Carbonara Day
Le 6 avril, le monde entier célèbre le Carbonara Day. L’occasion de redécouvrir l’histoire et les mythes derrière la recette de pâtes la plus appréciée et la plus controversée au monde.
L’origine du Carbonara Day
Après le Tiramisù Day, c’est au tour du Carbonara Day ! Le 6 avril, amateurs et professionnels célèbrent cet événement mondial mais virtuel via le hashtag #CarbonaraDay.
Le Carbonara Day naît sous l’impulsion des maîtres pastiers de l’Unione Italiana Food agacés de voir la recette de la carbonara à ce point maltraitée.
En avril 2016, une recette de «pâtes à la carbonara» peu orthodoxe est publiée par Le Démotivateur food. C’est la goutte de trop. 32 secondes de vidéo suffisent à révolter un peuple et c’est l’Italie tout entière que la France se met à dos, rien que ça ! Œufs crus, crème fraîche, lardons bouillis… C’est l’incident diplomatique. Barilla, pourtant associée à cette vidéo, fini par se désolidariser de l’innommable affront porté à la gastronomie italienne et la vidéo est supprimée (ouf !).
Pour défendre la culture et la cuisine italienne, le Carbonara Day est ainsi instauré ! Un événement qui se veut comme «une opportunité de laisser s’exprimer la fantaisie, tout en tentant de respecter les canons», explique Riccardo Felicetti, alors président de l’AIDEPI (l’Association des Industries du Dessert et des Pâtes Italiennes).
L’histoire de la carbonara
Le Carbonara Day c’est aussi l’occasion de se replonger dans l’histoire de la carbonara et tenter de démêler le mystère de son origine.
Il n’est pas de recette plus clivante que celle de la carbonara. Entre traditions et innovations, la recette de la carbonara alimente le débat passionné de la tradition et la chasse aux hérésies culinaires. Et pourtant le mystère de son origine demeure entier.
L’hypothèse américaine
L’histoire de la carbonara est intimement liée à la présence des Américains à Rome, débarqués en Italie en 1943.
La première trace écrite de la “carbonara” se trouve dans un article de presse du 26 juillet 1950. A l’occasion de la fête traditionnelle du quartier de Trastevere, le quotidien turinois La Stampa nous parle du restaurant Da Cesaretto alla Cisterna qui s’est bâti une réputation pour avoir été le premier à servir des «spaghetti alla carbonara» aux soldats américains.
L’hypothèse américaine est aussi relayée par le court-métrage de Barilla (tiens donc !) à l’occasion de la 4ème édition du Carbonara Day, le 6 avril 2021.
Le film met en scène un jeune soldat américain et un cuisinier italien à Rome à l’automne 1944. Ils ont l’idée d’utiliser les rations K, contenant du bacon et des œufs en poudre, pour préparer un plat de pâtes et rassasier les troupes. Le succès est unanime. Les soldats et leurs généraux savourent leur repas au son de la cornemuse alors que le soldat et le cuisinier italien se partagent la dernière assiette de la recette qu’ils ont mise au point.
Voilà comment serait née la mythique recette de la carbonara.
Du moins, c’est ce que nous raconte Barilla qui ne peut s’empêcher de finir son court-métrage avec un message à l’amerloque : « Ainsi commença la légende de la carbonara […] née il y a 77 ans, elle continue de rassembler tout le monde. »
Ah, vraiment ?
La carbonara, une recette qui a évolué
Pour les puristes, la recette de la carbonara repose sur la trinité jaunes d’œuf, guanciale et pecorino (sans oublier le poivre). Et pourtant, l’histoire montre que cette recette était moins figée dans le passé qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Si la première mention de la carbonara est faite dans la presse italienne en 1950, la première recette est publiée en 1952 dans un guide des restaurants de Chicago – le « Vittles and Vice – an extraordinary guide to what’s cooking on Chicago’s Near North Side » de Patricia Bronté. L’auteure y cite le restaurant italien Armando’s qui sert une recette de pasta carbonara avec de la pancetta, sautée avec quatre œufs battus dans du parmesan râpé. Dans un article du 12 juillet 1954, le New York Times nous fait découvrir les spaghetti al Moro préparés avec du bacon, du parmesan et du piment. Dans son ouvrage « Italian Food », l’autrice culinaire Elizabeth David parle d’une recette de carbonara au jambon, que l’on peut remplacer par du bacon ou de la coppa. Enfin, la célèbre revue culinaire « La Cucina Italiana » publie pour la première fois en 1954 la recette de la carbonara mais avec du gruyère et du persil !
Point de guanciale ni de pecorino dans ces recettes du siècle passé. A croire que la sacro-sainte recette de la carbonara que tout le monde défend est plus récente qu’on ne le pense.
Et la crème dans tout ça ?
S’il existe de nombreuses variantes de carbonara avec de l’ail, des oignons ou encore des champignons, c’est bien la crème qui crée la discorde. En 1945, la pénurie alimentaire due à la guerre force les romains à se fournir au marché noir et à utiliser les rations K contenant du bacon et des œufs en poudre. La crème servait alors à réhydrater les œufs lyophilisés (inutile avec des œufs frais). Les américains rentrés chez eux, et désireux de reproduire la carbonara qu’ils avaient goûté à Rome, ont donc ajouté de la crème à la recette. Une pratique qui a persisté, y compris auprès des grands chefs transalpins.
Il est plus facile d’obtenir une carbonara bien crémeuse avec de la crème fraîche, selon la recette de Luigi Carnacina dans « La grande cucina italiana » publiée en 1960, qui au passage formalise l’usage du guanciale. Gualtiero Marchesi, considéré comme le « père de la cuisine italienne moderne », lui-même, ajoutait pour 300 g de pâtes 250mL de crème fraîche ! Finalement l’ajout de crème dans la carbonara ne date pas d’hier.
Quelle est l’origine du mot carbonara ?
S’il existe de très nombreuses recettes à base de graisse de porc, fromage et œufs, aucune d’entre-elle ne s’appelait carbonara. D’où vient alors ce mot? Plusieurs théories s’affrontent sur le sujet.
Le carbonarisme et les carbonari
Une première hypothèse, soutient que le mot carbonara viendrait du carbonarisme, une société secrète à connotation politique apparue en Europe au XIXe siècle après la défaite napoléonienne de 1815 et le retour des régimes monarchiques absolus.
Ses membres avaient pour habitude de se réunir autour d’un plat de pâtes. Une théorie jugée peu crédible par Luca Cesari, auteur du livre « La véritable histoire des pâtes » (Buchet-Chastel, 2021).
Le mot pourrait aussi venir des brûleurs à charbon des Apennins (carbonari, en dialecte romain) qui se préparaient des plats nourrissants à partir d’ingrédients se conservant bien en montagne, comme les pâtes, le lard, le fromage et les œufs.
Le contact avec les poussières de charbon leur faisait perdre le goût et les carbonari chargeaient leur assiette en poivre. Le poivre moulu au-dessus de l’assiette, qui rappelle le charbon (carbone en italien), explique-t-il, peut-être, l’origine du mot carbonara ? Plausible, mais non vérifiable. Les ouvriers étaient en réalité bien trop pauvres pour consommer autre chose que du pain ou de la polenta.
Le mercato carbonaro
Les historiens privilégient une hypothèse plus réaliste et moins romantique. La carbonara tiendrait son nom du marché où les romains pouvaient trouver les ingrédients nécessaires à sa préparation. Dans l’Italie des années 1945 à 1950, du fait de la pénurie alimentaire, les romains font de nécessité vertu et s’approvisionnent sur le marché noir, le mercato carbonaro, qui se trouve être alimenté par les soldats alliés, et leurs fameuses rations K, contenant du lard et des œufs en poudre.
Qui a inventé la carbonara ?
A ce sujet, on cite souvent un jeune cuisinier, Renato Gualandi, à qui les officiers alliés auraient demandé de préparer un repas.
Interviewé en 2009 par le «Corriere di Bologna», il raconte : «Les Américains avaient du lard fantastique, du fromage frais délicieux et du jaune d’œuf en poudre. J’ai tout assemblé et […] au dernier moment, j’ai décidé d’ajouter du poivre noir qui a donné un très bon goût.» Une contradiction avec sa biographie «Peripezie di un cuoco bolognese» publiée en 2006 où il raconte ce fameux repas, sans aucune mention de pâtes, et encore moins de carbonara.
Face à tant de mystère, l’hypothèse la plus plausible reste donc la piste italo-américaine et celle des restaurateurs du Trastevere qui s’approvisionnaient en rations K au marché noir pour préparer les «spaghetti breakfast» que leur demandaient les GI américains. La carbonara serait donc née, après la libération de Rome en 1944, de la rencontre entre la logistique américaine et le génie italien.
Une théorie mise en scène par Barilla dans son court-métrage «Les Origines de la Carbonara», où le mythique plat de pâtes rassemble les alliés au lendemain de la libération pour célébrer la victoire.
C’est peut-être le sens du message que nous transmet Barilla : «née il y a 77 ans, la carbonara continue de rassembler tout le monde.»
Joyeux Carbonara Day !
Evviva la carbonara!
Carbonara, la vraie recette italienne
Carbonara
Plat : Pâtes, platsCuisine : ItalienDifficulté : Facile4
portions20
minutes10
minutesIngrédients
360 g de pâtes
4 jaune d’œufs
80 g de guanciale
100 g de pecorino romano
Poivre
Étapes
- Porter l’eau à ébullition en respectant la règle 1 L d’eau – 10 g de sel – 100 g de pâtes.
- Détailler le guanciale en dés. Le faire dorer dans une poêle qui doit être froide au départ. Retirer progressivement le gras qui se libère et réserver. Une fois tous les morceaux de guanciale bien dorés les réserver sur du papier absorbant.
- Mélanger les jaunes d’œufs avec le pecorino râpé et un tour de moulin à poivre dans un saladier en inox. Fouetter énergiquement. Ajouter la graisse du guanciale et mélanger énergiquement. Apposer le saladier en inox légèrement au-dessus de la casserole d’eau bouillante et continuer de fouetter énergiquement (cette étape peut-être réalisée après la cuisson des pâtes comme sur la vidéo).
- Faire cuire les pâtes dans l’eau bouillante.
- Une fois les pâtes cuites les verser dans le saladier en inox avec la crème de jaune et de fromage. Et bien mélanger pour lier les pâtes avec la sauce. Si besoin rallonger avec de l’eau de cuisson. Dresser dans les assiettes, buon appetito!
VIDÉO RECETTE
Sources :
GAUDRY François-Régis. 2020. On va déguster l’Italie, Marabout, 432 pages. CESARI Lucas. 2021. La véritable histoire des pâtes, Buchet-Chastel, 432 pages. ROMANINI, Olivio, « Il piatto che incantò Michelle (e gli Alleati) », Corriere di Bologna, 10 juillet 2009.
[…] dans le Latium. Voilà qui pourrait confirmer l’origine romaine de la carbonara. Pourtant, l’histoire de la carbonara est pleine de suppositions et d’hypothèses. Encore aujourd’hui son origine n’est donc pas […]
Bonjour, que fait-on avec guanciale qui reste ! Merci
Bonjour
Merci pour votre commentaire! Que voulez-vous dire par guanciale qui reste ?
Topissime..bravo..
Merci beaucoup ! très bonne lecture ! 🙂
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